J'aime le lac. Il m'apaise. Il a cette profondeur cachée, cette masse calme, cette énergie indomptée qui me rappelle le silence avant les catastrophes.

Dans son silence j'observe les rides s'amplifier pour mourir sur la berge. Les oiseaux vivent, volent, virevoletent et plongent soudain pour attraper un poisson inconscient que l'ombre a trahie. Des points apparaissent parfois, sous les pattes fines d'une araignée d'eau tandis que les roseaux plient doucement au passage d'une anguille. Derrière moi la civilisation, bourdonnante, inconsciente, destructrice. Devant moi, la nature, trompeuse, sauvage, mortelle. Entre deux mondes, je vogue, vague à l'âme, entre rêves et souvenirs.

Une voix m'interpelle. Il me faut une seconde pour accepter qu'elle soit réelle, qu'elle s'immisce dans mes pensées. Je tourne la tête. C'est elle. La femme de l'armurerie. La slave. La serbe. Je lui fais un salut de la tête.

"Madame." Je ne sais pas ce qu'elle me veut. Peut-être juste continuer sa route. Peut-être pas. A défaut, je m'écarte juste un peu. Il y a de la place partout autour de moi. Mais le mouvement est une invitation à s'approcher. Si elle le désire.

"Mieux, merci." Pieu mensonge. Ou vérité subtile. Je n'irai jamais mieux. L'image est gravée au fond de moi, je ne l'oublierai jamais. Elle reste là, tapie dans l'ombre, prête à me submerger à n'importe quel moment. Comme les oiseaux que l'on voit tourner autour du lac. Ou les poissons à la recherche d'insectes. Deux mondes prédateurs qui se mêlent à travers le miroir de la surface.

Je me demande ce qu'elle veut.

Et puis je me dis que je verrais bien.

Mon regard se perd dans l'eau.

"Vous ?"

"Ca arrive." Le plus souvent, ce n'est pas fait exprès. Des enfants nés de moldu qui ne gèrent pas leurs émotions. Des adolescents qui veulent jouer avec les limites. Des rebelles de différentes nationalités qui pensent que les lois des blancs ne concernent que les blancs, comme si la magie s'arrêtait à la couleur de peau. Et des slaves qui sont comme des adolescents. En pire car plus puissants et qui savent ce qu'ils font. Je lui jette un coup d'oeil. Elle essaie de me faire passer un message je crois ? Je ne suis pas très doué avec les sous entendu.

"C'est la loi." Nul n'est sensé ignorer la loi. Dit la loi. C'est un paradoxe nous a-t-on expliqué en cours. C'est un peu stupide si on me demande mon avis. On ne me le demande pas. Je hausse les épaules.

"La plupart n'y prêtent pas attention. Ou trouvent des explications...comment disent-ils, rationnelles. Ceux qui passent entre les mailles du filet ne sont pas pris au sérieux."

Tant qu'il n'y a pas de rébellion massive de beaucoup de sorciers, le Secret Magique International a de beaux jours devant lui.

"Mais c'est une bonne loi." Je hoche la tête puis je m'explique. Je ne sais pas pourquoi je m'explique mais je m'explique. "Elle oblige les pays à avoir une même ligne de conduite."